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Aéroports : pourquoi ADP mise sur l’Eldorado indien, quitte à patienter

Aéro

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09/03/2023

La croissance est ailleurs. Depuis quelques temps, lorsqu'il est interrogé sur la transition environnementale du transport aérien, Augustin de Romanet, PDG du groupe ADP, affirme que les Occidentaux vont sans doute être amenés à voyager un peu moins, mais que cela n'est pas « un drame » au vu de la demande croissante de voyage dans les pays en développement. Quitte à en faire bondir certains parmi les compagnies aériennes. Mais si le patron des aéroports parisiens affirme cela aussi tranquillement, c'est qu'il s'est déjà positionné dans lesdits pays en développement. Après l'entrée au capital du groupe turc TAV Airports - avec la déconvenue que l'on sait autour de la construction du nouvel aéroport d'Istanbul - ADP a mis la main sur 49 % du groupe indien GMR Airports en 2020.

Un investissement non sans risques dans un pays qui a déjà connu plusieurs fois l'émergence puis l'effondrement de son trafic aérien entraînant la faillite de plusieurs grandes compagnies. A cela s'ajoute l'incertitude de devoir composer avec l'administration indienne, dont les contraintes excessives n'ont clairement pas aidé à la croissance durable du transport aérien dans le pays. Il faut enfin composer avec la famille du président fondateur Grandhi Mallikarjuna Rao, qui détient 63 % de GMR Infrastructures, structure elle-même propriétaire des 51 % de GMR Airports, même si l'entente ne pose aucun problème majeur jusqu'ici. Cela pourrait être plus compliqué si le groupe ADP poussait un jour pour obtenir la majorité alors que la famille n'entend pas lâcher le contrôle pour l'instant. C'est ainsi un modèle assez différent de celui du partenariat avec TAV Airports, où ADP a le contrôle et où les développements tendent à se faire en commun. Enfin, cette transaction, évaluée à 1,2 milliard d'euros, a été finalisée en 2020 au plus dur de la crise sanitaire. Il est donc encore trop tôt pour savoir si le groupe ADP a fait le bon choix en s'implantant en Inde, mais les perspectives sont indéniables.


Une classe moyenne qui va tripler

L'Inde est en train de dépasser la Chine pour s'imposer comme la première population mondiale avec 1,4 milliard d'habitants. Si la classe moyenne est encore faible, elle commence à émerger ce qui fait tout de suite un effet de masse. Portée par une croissance annuelle moyenne du PIB estimée à plus de 7 %, elle doit être multipliée par trois d'ici 2030 et atteindre les 61 millions de personnes, soit plus qu'aux Etats-Unis même si cela reste très loin de la Chine. La conversion de ces populations vers l'avion n'est pas automatiquement acquise, mais la taille du pays et la lenteur des connexions ferrées jouent pour lui. L'inde est ainsi appelée à devenir le troisième marché mondial derrière la Chine et les Etats-Unis, suivie par l'Indonésie.

Ces perspectives sont illustrées par les commandes géantes de plusieurs centaines d'avions passées récemment par IndiGo et Air India. Toujours d'ici 2030, la flotte locale doit doubler pour atteindre 1.200 à 1.300 appareils. Ce qui offre d'importantes perspectives de croissance aux aéroports indiens, dont les trois dont GMR a obtenu la concession. Le groupe revendique ainsi déjà le quart du trafic indien, qui a atteint 227 millions de passagers en 2022, avec l'ambition de faire grossir sa part du gâteau.

Il y a tout l'aéroport de Delhi, la capitale, principale base d'IndiGo et hub d'Air India et porte d'entrée internationale sur le pays. Détenu à hauteur de 64 % jusqu'en 2066, il offre une capacité de 70 millions de passagers annuels. Mais une extension pour arriver à 100 millions de passagers d'ici 2 à 3 ans est en cours, avec un objectif final de 120 millions. Au vu de ces perspectives, la construction actuelle d'un nouvel aéroport menée par Flughafen Zürich AG (opérateur de l'aéroport de Zurich) n'inquiète pas du côté d'ADP.

Vient ensuite Hyderabad, détenu à 63 % jusqu'en 2068, essentiellement domestique mais avec un potentiel de croissance international. Le directeur de l'aéroport revendique ainsi 850.000 passagers américains par an sans avoir de vols directs avec les Etats-Unis. Trop petit il y a encore peu, il est en train de tripler sa capacité en quatre ans (dont un an de retard dû au Covid) pour atteindre 34, voire 40 millions de passagers. D'ici 2027-2028, une nouvelle extension doit être planifiée pour atteindre 80 à 100 millions de passagers. Le groupe s'est aussi renforcé avec l'ouverture du nouvel aéroport de Goa, l'une des principales villes touristiques d'Inde, en janvier dernier. D'une capacité d'un peu moins de 8 millions de passagers, il doit doubler d'ici la fin de la décennie. Après l'avoir lancé seul avec une concession jusqu'en 2060, GMR Airports commence à revendre des parts dans ce nouvel aéroport. Enfin, le groupe a aussi obtenu la concession de l'aéroport indonésien de Medan, en juillet 2022.


Les industriels à l'affût

Outre la croissance démographique et économique, il y a également une dimension industrielle qui alimente ces perspectives. Depuis de longues années, l'Inde s'efforce de développer des compétences locales. Cela passe par des champions comme le groupe Tata ou le groupe étatique Hindustan Aeronautics Limited (HAL) dans l'aéronautique, mais aussi par des collaborations avec des industriels occidentaux et des transferts de technologies dans le cadre de la stratégie « Make in India ». Ainsi Hyderabad concentre d'importantes capacités dans la pharmaceutique - avec un tiers de la production de vaccins contre le Covid -, la tech, l'informatique et l'aéronautique. Safran, Pratt & Whitney ou Schneider Electric y sont ainsi implantés. De fait, le trafic à Hyderabad est essentiellement affaires.

Dans le contexte de tensions géopolitiques avec la Chine et surtout la politique « zéro Covid » drastique jusqu'à l'excès il y a encore quelques semaines, les industriels repensent actuellement l'implantation et les dépendances de leurs chaînes d'approvisionnement. Alors que la relocalisation en Europe ou en Amérique du Nord est exclue pour un certain nombre de produits et composants à faible valeur ajoutée, l'Inde apparaît comme une alternative probante.


La reprise s'accélère et la valorisation monte

De fait, de premiers résultats sont déjà là. La reprise en Inde est ainsi plus rapide que dans les aéroports parisiens. L'an dernier, Delhi et Hyderabad avaient déjà récupéré 86,5 % de leur trafic de 2019, contre 80 % pour Roissy et Orly. Et le mouvement s'accélère, avec une récupération intégrale en janvier.

A en croire Augustin de Romanet, la valorisation du groupe indien est déjà le double de celle établie avec le rachat depuis l'acquisition réalisée par ADP en 2020. En se basant sur la cotation de GMR Infrastructures, inscrite en Bourse, celle-ci atteindrait aujourd'hui environ 2,6 milliards d'euros. Et si le groupe français décide de conserver ses parts pour le moment plutôt que d'empocher le pactole, c'est qu'il est convaincu que ce montant peut encore grossir dans les prochaines années.

Pourtant, ADP va devoir se montrer encore patient. Car en dépit de ces belles promesses, GMR Airports n'est pas encore la poule aux œufs d'or. Avec les importants travaux lancés à pour le nouvel aéroport de Goa, et les extensions de Hyderabad et de Dehli, le groupe indien est engagé dans d'importantes dépenses d'investissement et les assume au prix d'un fort endettement. Un effet qui s'est aggravé avec le Covid, le ralentissement du trafic se traduisant par une chute de revenus. Après avoir perdu 28 millions d'euros lors de l'exercice qui s'est achevé au 31 mars 2021, GMR Airports a réduit ses pertes par trois l'année suivante. Mais sur les neuf premiers mois de l'exercice 2022-2023, la perte dépasse les 10 millions d'euros.


Après le désert, les dividendes

Mais en interne chez ADP, on est convaincu que cette « traversée du désert » va prendre fin à 2027-2028 avec un ralentissement dans les grandes dépenses d'investissements, voire plus tôt en fonction de la croissance du trafic. Dès lors des dividendes sont attendus, avec une croissance exponentielle à même de faire grimper les montants à plusieurs dizaines de millions d'euros, même si aucun montant n'est officiellement communiqué.

Prévue à la base pour contribuer à financer les importants investissements nécessaires à la construction du terminal 4 à Paris-CDG, dont le projet a été abandonné pendant le Covid, l'acquisition de GMR Airports apparaît surtout comme un relais de croissance important dans un pays appelé à devenir incontournable très rapidement. Cela lui sert aussi pour s'étendre vers de nouvelles régions comme avec Medan en Indonésie. Une coopération industrielle et technologique est également incluse dans le partenariat. C'est également le cas pour le développement des routes, où ADP revendique une véritable expertise, qui sont désormais regardées à l'échelle de l'ensemble du groupe avec ADP, TAV Airports et GMR Airports. Comme le déclare ainsi G.M. Rao, « il y a beaucoup d'échanges et beaucoup à apprendre des deux côtés ».

Source : https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/aeroports-pourquoi-adp-mise-sur-l-eldorado-indien-quitte-a-patienter-952761.html

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