Post-Covid : comment les tarifs et l'offre ont fait revenir les clients vers Air France
ANALYSE - Pendant la crise sanitaire, grâce aux aides gouvernementales et au choix d'une nouvelle politique tarifaire, la compagnie nationale a adopté une stratégie à l'opposé des autres. Très bénéfique aux clients.
À l'hiver 2020, le confinement, décrété dans la quasi-totalité de l'Europe, a plongé les transporteurs aérien, ferroviaire et routier dans une crise sans précédent. Après la sidération, chacun a réagi selon ses possibilités et selon les règles sociales de chaque pays. Chez les Anglo-Saxons, on assista aussi bien pour les compagnies aériennes que pour les aéroports à des vagues de licenciements massifs. Sur le continent, grâce à l'intervention des États, les choses se sont déroulées plus harmonieusement. En France tout particulièrement. Ainsi Air France a été aidée à hauteur de 7 milliards avec un prêt direct d'actionnaire et un prêt garanti par l'état. La Lufthansa a de son côté reçu 9 milliards du gouvernement allemand et Iberia/ Vueling 1,1 milliard de l'État espagnol.
Ce soutien sans faille de l'État français a permis à Air France de maintenir une partie de ses opérations durant le confinement, contrairement à d'autres majors européennes. Elle a réussi à passer de 5% à 41% de ses vols quand d'autres restaient proches de zéro. Et cela pour plusieurs raisons. Tout d'abord, la compagnie nationale avait été chargée par l'État de rapatrier les ressortissants coincés aux quatre coins du monde. Ensuite, sur le plan opérationnel, Air France s'est adapté à l'évolution quotidienne des fermetures, totales ou partielles, des frontières. De cette navigation fine, la compagnie a tiré deux énormes avantages à l'heure du retour à la normale.
Plus présente aux États-Unis
En ne réduisant que partiellement ses opérations, elle a permis à sa flotte de voler régulièrement. De plus, grâce au système de chômage partiel fluctuant spécifique à la France, aucun des personnels navigants n'a perdu sa licence. Les pilotes par exemple, doivent effectuer un minimum de 3 décollages/atterrissages sur 90 jours pour garder leur agrément. À cause de cette offre supérieure à celle des autres compagnies long courrier européennes, Paris-Aéroport a ainsi été obligé de maintenir bon gré mal gré un service conséquent. À la reprise cela a évité les goulots d'étranglement que l'on a pu voir à Londres, Amsterdam, Copenhague ou Hambourg lors du retour des passagers. Cette politique a aussi permis de capter et de fidéliser des passagers qui jusqu'alors ne volaient pas sur Air France. Résultat, la compagnie nationale a gagné des parts de marché sur quasiment l'ensemble de son réseau, en moyen comme en long courrier.
Sur la destination États-Unis par exemple, elle a réussi à passer d'une offre de 60% en septembre 2021 (par rapport à 2019) à 90% deux mois plus tard pour aujourd'hui culminer à 110%. Sur ces liaisons transatlantiques, la faillite de la Norwegian lui aura été bénéfique, tout comme la difficulté par manque de personnel qualifié des transporteurs traditionnels américains à renforcer leurs lignes. Sur l'Europe, elle se place en troisième position derrière Wizzair et Ryanair. Wizzair très implantée dans l'Est et jouissant souvent d'une situation de monopole sur certaines de ses lignes n'a pas été été aidée. Quant à l'Irlandaise Ryanair elle a cumulé au fil des années des centaines de millions de subventions indues et a pour cela été condamnée par Bruxelles. Comme elle opère depuis des aéroports secondaires, elle n'a pas été pénalisée par la laborieuse reprise des grands hubs européens, ce dont a beaucoup souffert easyJet.
Pour Air France, la reprise est telle qu'elle manque actuellement d'appareils et de personnels - alors même que la Chine demeure partiellement fermée. L'achat au cœur de la crise d'une centaine d'A320 et A320 Neo pour KLM et Transavia, qui avait alors surpris tout le monde, ne suffira pas à répondre aux besoins. La compagnie poursuit également le recrutement de personnels navigants avec cette année 350 pilotes. La stratégie était assurément audacieuse, mais ses deux dirigeants, Ben Smith et surtout Anne Rigail, en ont, avec l'aide de l'État, couru le risque. Dans cette reprise du trafic long courrier, qui a d'abord concerné les trafics loisir et affinitaire, la compagnie nationale possède un avantage structurel sur ses concurrents : la moitié des sièges de la classe affaires sont achetés par des passagers… loisir. Ajoutez à cela la décision de prolonger la flexibilité totale des billets, à l'inverse de ses concurrents sur l'ensemble du réseau, qui a été un booster du réseau moyen courrier.
Quelques difficultés tout de même
Néanmoins, Air France se retrouve face à certains dilemmes. Elle a dû par exemple interrompre son aller-retour vers Grande Canarie qui utilisait un Airbus A320 pendant 10 heures afin d'affecter cet avion à des liaisons plus courtes et plus rentables comme Barcelone et Madrid. « Tous nos avions volent » explique Olivier Piette, le directeur du programme. « Pour rouvrir Hong Kong trois fois par semaine en janvier, nous serons obligés de prendre de la capacité ailleurs, poursuit-il. À l'été 2022,nous avons été au maximum des possibilités du réseau aussi bien en escale qu'en vol. »
Cerise sur le gâteau, la recette unitaire est en forte hausse car les passagers, mis à part les périodes de départ en vacances, achètent leurs billets à la dernière minute, quand ils sont les plus chers. Ces recettes ont permis à la compagnie de rembourser un milliard d'euros de son prêt garanti par l'état. Et de se placer en bonne position pour éventuellement reprendre aux côtés de Delta et Certares, ITA Airways, la compagnie italienne.
Comments0
Please log in to see or add a comment
Suggested Articles